mardi 14 février 2012

La Démission du Juge Kéba Mbaye en 1993

En 1993, le juge Feu Kéba Mbaye annonçait sa démission de la présidence du Consel conseil Constitutionnel, au lendemain du scrutin des élections présidentielles....
Pourquoi s’intéresser à cet événement compte tenu de la situation actuelle que vit le Sénégal à la veille d'une élection présidentielle dont l'issu et le
déroulement sont encore très improbable?

Selon l’article 35 de la constitution sénégalaise :

Les Cours et Tribunaux veillent à la régularité du scrutin dans les conditions déterminées par une loi organique.

La régularité des opérations électorales peut être contestée par l’un des candidats devant le Conseil constitutionnel dans les soixante douze heures qui suivent la proclamation provisoire des résultats par une commission nationale de recensement des votes instituée par une loi organique.

Si aucune contestation n’a été déposée dans les délais au greffe du Conseil constitutionnel, le Conseil proclame immédiatement les résultats définitifs du scrutin.

En cas de contestation, le Conseil statue sur la réclamation dans les cinq jours francs du dépôt de celle-ci. Sa décision emporte proclamation définitive du scrutin ou annulation de l’élection.

En cas d’annulation, il est procédé à un nouveau tour du scrutin dans les vingt et un jours francs qui suivent. “

Nous remarquons très clairement le rôle que doit jouer le conseil constitutionnel sur la régularité des élections présidentielles.

C'est cette remarque qui m'a emmené à me poser la question initialement annoncée.
Pourquoi le départ de  Mr Mbaye à la veille de la proclamation des résultats du scrutin du dimanche 21 février 1993?
J'ai d'abord cherché une version officielle. Le livre de Mr Latif Coulibaly le “président et les assassins” nous donne des détails sur ces évènements.
Il faut dire qu'à l'époque les résultats provisoires devaient être proclamés par la commission nationale de recensement des votes mais celle ci a eu des difficultés à les sortir dans les délais de 5 jours comme prescrit par la loi et décide de transférer le dossier au conseil constitutionnel. Ce dernier délibère 3 jours en retournant le même dossier à l'envoyeur en lui fixant un délais de 72 heures pour donner les résultats provisoires.
Au même moment le juge Mbaye rédige sa lettre de démission qu'il remet à la présidence de la république. Le président Diouf accepte sa démission et rend publique la lettre. Les raison qu'il donne à Mr Coulibaly lors d'une interview dans son livre sont les suivants:

« Compte tenu du rôle que j’ai joué dans l’élaboration du code électoral, en tant que Président de la Commission cellulaire de réforme, de tout ce que  
j’attendais et que je vois actuellement, je considère que je suis arrivé à un échec. Il faut appeler un chat, un chat. Je  devrais donc en tirer toutes les conséquences (…) La seule chose déterminante dans  ma décision c’est le fait que je me suis aperçu que j’étais dans l’erreur (…). Je m’étais dit que le Sénégal avait passé la barre, mais je me suis rendu compte qu’il se trouve toujours de l’autre côté ».

Abdou Diouf nomme alors le juge Youssoupha Ndiaye à la tête du conseil constitutionnel.
Les raisons officieuses données vont jusqu'à dire que le juge aurait subit des pressions de la part du pouvoir pour trancher en sa faveur lors de cette élection où de nombreux recours avaient été déposés par 6 des huit candidats dont le président Diouf lui même à cette élection. ces recours demandaient l'annulation de beaucoup de procès verbaux contenant des résultats incohérents ou étant en vice de forme.

Les résultats de ces élections de 1993 avaient été finalement proclamé par le conseil constitutionnel 20 jours après le scrutin car la commission de recensement n'avait pu le faire dans les 72h demandées par le même conseil. Ces résultats avaient donné Abdou Diouf vainqueur avec 58,4% des voix suivi de Maître Wade avec 32%.

Avant de clore cette partie de l'histoire je doit rappeler que la nomination du juge Kéba Mbaye avait été décidé d'un commun accord entre le président Diouf et l'opposition notamment Maitre Wade et Amath Dansokho ce qui ne fut pas le cas avec celle de Maitre Youssou Ndiaye. C'est donc tout naturellement que Wade s'opposait à l'époque contre ce conseil constitutionnel qu'il jugé illégitime en ces termes le 29 avril 1993 en tenant un meeting à Diourbel et relaté dans les colonnes du « Soleil » du 30 avril 1993 :  « Le Conseil constitutionnel n’est pas crédible et n’a pas à interpréter l’élection. L’élection c’est l’affaire des populations. Abdou Diouf étant candidat, n’avait pas à nommer le Président du Conseil qui se trouve être son homme. Son vice-président (Maitre Babacar Seye) est un membre du parti socialiste c’est connu de tous. Ce qui est une véritable entorse à la Justice. Mais pour les élections législatives prochaines, la décision de cette institution ne sera pas ».  

Pourtant c'est le même Youssou Ndiaye qui toujours à la tête du conseil constitutionnel a déclaré Maître Wade vainqueur de l'élection présidentielle de Mars 2000.

Tout ceci pour dire que le conseil constitutionnel joue un rôle déterminant dans le processus électoral et que cette dernière est pour moi garante de la stabilité de ce pays. Puisse l'œuvre de Feu Kéba Mbaye peser pour des délibérations équitables en faveur du droit et de la justice; chose que les 5 sages n'ont pas pu faire le 27 et 29 Janvier 2012.

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